Discrimination au niveau du contenu du contrat d’assurance

Exemple: pour la RC des véhicules à moteur, une compagnie fixe des primes plus élevées pour les personnes d’une certaine nationalité. Elle ne peut toutefois présenter aucune statistique actuarielle prouvant que la fréquence et le montant des sinistres sont plus élevés dans cette population.

En théorie, les parties sont libres de négocier les conditions contractuelles. Mais en pratique, ces conditions sont prédéfinies par la compagnie d’assurance. Ainsi, les primes RC des véhicules à moteur dépendent notamment du niveau de risque estimé pour certaines catégories de personnes (notamment de l’âge, de la nationalité ou du sexe). Cela dit, d’un point de vue juridique, ce type de conditions contractuelles moins favorables fondées sur la région ou le pays d’origine ou sur l’appartenance raciale, ethnique ou religieuse est toujours très délicat. Le cas échéant, il faut examiner si l’assureur ne commet pas une violation du droit civil en portant atteinte à la personnalité (art. 28 CC) ou en enfreignant les règles de la bonne foi (art. 2, al. 1, CC).

Explications

Art . 28 CC: protection de la personnalité / contre des atteintes / principe

1 Celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité peut agir en justice pour sa protection contre toute personne qui y participe.
2 Une atteinte est illicite, à moins qu’elle ne soit justifiée par le consentement de la victime, par un intérêt prépondérant privé ou public, ou par la loi.

Commentaire:

L’art. 28 CC protège les personnes physiques et morales contre les propos et les actes de tiers qui portent atteinte à leur personnalité. Au sens juridique du terme, la personnalité comprend l’ensemble des valeurs fondamentales d’une personne. Cette disposition protège aussi bien l’existence que la personnalité propre à chaque individu.

Les atteintes peuvent porter sur la personnalité physique, émotionnelle, psychique, économique ou sociale (p. ex. sphère privée ou autodétermination informationnelle), ainsi que sur l’honneur.

Pour invoquer une atteinte à la personnalité au sens de l’art. 28 CC, le fait reproché doit revêtir une certaine gravité. L’atteinte doit par ailleurs être contraire au droit (c’est-à-dire non justifiée). Le consentement de la victime ou un intérêt prépondérant public ou privé (p. ex. intérêt à l’information du public) constituent des exemples de justifications valables. Dans un premier temps, il s’agit donc de vérifier s’il y a effectivement une atteinte à la personnalité au sens juridique du terme et, le cas échéant, si des motifs peuvent justifier cette atteinte. Par ailleurs, la faute ne doit pas forcément être intentionnelle.

Seules les personnes qui ont directement subi une atteinte à leur personnalité disposent de la qualité pour agir. Elles peuvent demander au juge d’interdire, de faire cesser ou de constater l’atteinte (art. 28a, al. 1, ch. 1 à 3, CC). Elles peuvent aussi demander la publication d’une rectification des propos discriminatoires ou, le cas échéant, du jugement condamnant l’auteur. Dans la mesure du possible, cette publication doit atteindre le même public que celui qui a eu connaissance des faits incriminés. Lorsque l’atteinte à la personnalité se fait par le biais des médias, la victime peut bénéficier d’un droit de réponse (art. 28g CC).

L’art. 328 CO règle les cas spécifiques à la protection de la personnalité des travailleurs.

Informations complémentaires sur l’atteinte à l’honneur (en allemand).

Explications

«Race»

La notion de «race» est une construction sociale qui ne se fonde pas seulement sur des caractéristiques visibles, mais aussi sur de prétendues différences culturelles, religieuses ou liées à l’origine. Les tenants du racisme prétextent l’appartenance à une ethnie, une culture ou une religion pour justifier des inégalités sociales et économiques par exemple, en leur attribuant une cause biologique.

Les pays d’Europe continentale, contrairement aux pays anglo-saxons, voient dans le terme de «race» une connotation raciste. Ce terme est à ce titre mal vu et donc généralement utilisé entre guillemets. Il apparait néanmoins dans des traités internationaux et, de ce fait, est aussi employé aux [POPUP144]art. 8 Cst. et [POPUP145]261bis CP pour désigner l’une des caractéristiques pour lesquelles toute discrimination est proscrite.

Les assureurs privés qui accomplissent des tâches publiques sont par ailleurs soumis au contrôle de l’État. En principe, les lois qui régissent la surveillance dans ce domaine prévoient des dispositions contre les abus. Les discriminations raciales systématiques peuvent représenter un abus. Le cas échéant, n’importe qui peut alerter les autorités de surveillance compétentes. Celles-ci peuvent ouvrir une instruction et prononcer des sanctions (pouvant aller jusqu’au retrait de l’autorisation ou de la concession).

Attention: contrairement au fait de refuser des prestations pour des motifs discriminatoires, les clauses contractuelles discriminatoires ne sont pas réprimées par le droit pénal et ne peuvent donc être attaquées que sur le plan civil.

Il est important de dénoncer immédiatement toute violation des normes internationales. Si la plainte est rejetée par le tribunal suisse de dernière instance (en règle générale le Tribunal fédéral), il est possible de recourir contre cette décision auprès de la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) ou du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD).

Explications

Appliquer le droit international

Le plaignant peut, sous certaines conditions, s’opposer au jugement en dernière instance (il s’agit la plupart du temps du Tribunal fédéral) en formant recours auprès d’une instance internationale. Dans les cas de discrimination raciale, il s’agit principalement de la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) et du Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD).

Pour déposer un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme, il faut déjà avoir invoqué une violation de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) devant la première instance nationale et avoir épuisé toutes les voies de recours nationales. Par ailleurs, la violation de l’interdiction de discriminer (art. 14 CEDH) ne peut pas être invoquée seule, mais uniquement en rapport avec un autre droit garanti par la convention, comme le droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH) ou la liberté de pensée, de conscience et de religion (art. 9 CEDH). Lorsque toutes les procédures de recours sont épuisées au niveau national, il est aussi possible d’intenter une procédure auprès du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale. À noter que dans ce cas, il n’est pas nécessaire d’avoir invoqué au préalable une violation de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ICERD).

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