Exemple: malgré son travail exceptionnel, un soldat musulman n’est pas promu au grade d’appointé par ses supérieurs.
En cas d’inégalité de traitement d’un militaire uniquement en raison de sa couleur de peau, de sa religion ou de son origine ethnique, il y a violation de l’interdiction constitutionnelle de discriminer (art. 8, al. 2, Cst.) et, le cas échéant, atteinte à la personnalité (art. 94, al. 1, RSA).
Explications
Art. 8 Cst.: égalité devant la loi
1 Tous les êtres humains sont égaux devant la loi.2 Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d’une déficience corporelle, mentale ou psychique.
3 L’homme et la femme sont égaux en droit. La loi pourvoit à l’égalité de droit et de fait, en particulier dans les domaines de la famille, de la formation et du travail. L’homme et la femme ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale.
4 La loi prévoit des mesures en vue d’éliminer les inégalités qui frappent les personnes handicapées.
Commentaire:
En matière de lutte contre la discrimination raciale, le principe général de l’égalité en droit (al. 1) et l’interdiction générale de discriminer (al. 2) revêtent une importance particulière. Ils représentent des droits constitutionnels dont toute personne physique (particuliers) peut se prévaloir, indépendamment de sa nationalité. Les personnes morales (sociétés de capitaux, associations, fondations, etc.) peuvent aussi se prévaloir du principe d’égalité fixé à l’al. 1.
L’art. 8 Cst. s’applique à tous les échelons de l’État (Confédération, cantons, communes et autres organes de l’administration), aussi bien dans la phase d’élaboration du droit que dans son application. À noter toutefois que cette disposition ne lie en principe que l’État et qu’elle n’est donc applicable que de manière très restreinte aux relations entre particuliers.
Le principe d’égalité de l’al. 1 n’est pas absolu. Il arrive qu’une inégalité de traitement soit justifiée par des raisons objectives: elle est dans ce cas licite, voire obligatoire. Par exemple, les prestations de l’aide sociale varient en fonction du statut de séjour d’un individu.
L’interdiction de discriminer fixée à l’al. 2 représente une application particulière du principe d’égalité et constitue en quelque sorte l’essence de l’art. 8 Cst. Toute inégalité de traitement fondée sur l’une des caractéristiques mentionnées à cet alinéa est illicite, à moins qu’elle repose sur une justification dite qualifiée, c’est-à-dire qu’elle est proportionnée au but visé et justifiée par un intérêt public (par analogie à l’art. 36 Cst.). L’interdiction de discriminer s’applique indépendamment de l’intentionnalité de l’acte et frappe les discriminations aussi bien directes qu’indirectes.
Explications
Discrimination indirecte
Il y a discrimination indirecte lorsque des lois, des politiques ou des pratiques aboutissent, en dépit de leur apparente neutralité, à une inégalité illicite.
Le Tribunal fédéral parle de discrimination indirecte lorsqu’une disposition qui, dans sa formulation, ne présente pas de caractère discriminatoire, a pourtant un tel effet dans la pratique, de manière particulièrement prononcée et sans juste motif, à l’encontre d’un groupe spécifiquement protégé contre la discrimination. (ATF 129 I 217, consid. 2.1, p. 224).
Explications
Discrimination directe
Le Tribunal fédéral parle de discrimination directe lorsqu’une personne subit une inégalité de traitement sur la seule base de son appartenance à un groupe qui, par le passé et dans la réalité sociale actuelle, a tendance à être exclu ou dénigré. La discrimination peut être décrite comme un acte qualifié d’inégalité de traitement entre des personnes placées dans des situations comparables, qui a pour conséquence de désavantager une personne et que l’on doit considérer comme un dénigrement ou une exclusion car il se fonde sur une caractéristique de la personne qui constitue un élément essentiel et indissociable, ou difficilement dissociable, de son identité. (1re occurrence dans ATF 126 II 377, consid. 6a, p. 392 ss.).
Qu’elle soit directe ou indirecte, la discrimination se distingue de l’inégalité de traitement, qui se fonde quant à elle sur des critères ou des motifs licites.
La liste des caractéristiques mentionnées à l’al. 2 n’est pas exhaustive. Par origine, on entend la provenance géographique ou l’appartenance ethnique, nationale ou culturelle qui constitue l’identité d’une personne. Les inégalités fondées sur la nationalité relèvent en premier lieu de l’al. 1. Devenu aujourd’hui obsolète en Europe, le terme de race renvoie quant à lui à des caractéristiques telles que la couleur de peau ou l’ascendance. Enfin, les droits liés à la langue et aux convictions sont réglés plus spécifiquement dans d’autres dispositions (liberté de la langue, art. 18 Cst., liberté de conscience et de croyance, art. 15 Cst., libertés d’opinion et d’information, art. 16 Cst.).
Si l’inégalité de traitement consiste en un refus de fournir une prestation destinée à l’usage public, il y a par ailleurs infraction à la norme pénale contre la discrimination raciale du code pénal militaire (art. 171c, al. 5, CPM).
Explications
Art 261bis CP: discrimination raciale
1 Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle;2 quiconque, publiquement, propage une idéologie visant à rabaisser ou à dénigrer de façon systématique cette personne ou ce groupe de personnes;
3 quiconque, dans le même dessein, organise ou encourage des actions de propagande ou y prend part;
4 quiconque publiquement, par la parole, l’écriture, l’image, le geste, par des voies de fait ou de toute autre manière, abaisse ou discrimine d’une façon qui porte atteinte à la dignité humaine une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle ou qui, pour la même raison, nie, minimise grossièrement ou cherche à justifier un génocide ou d’autres crimes contre l’humanité;
5 quiconque refuse à une personne ou à un groupe de personnes, en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, une prestation destinée à l’usage public,
6 est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
Commentaire:
Les al. 1 à 3 de cette disposition portent sur différentes formes de discours de haine adressés publiquement (appel à la haine ou diffusion d’idéologies racistes). À l’inverse, les al. 4 et 5 visent des discriminations directes à l’encontre d’une personne ou d’un groupe de personnes.
L’art 261bis CP protège en premier lieu la dignité humaine (art. 7 Cst.). Ainsi, cette disposition cherche à préserver la paix publique, qui vise à garantir la coexistence pacifique et la sécurité de la population. Il y a atteinte à la dignité humaine dès lors que les caractéristiques essentielles de la personnalité d’un individu ou d’un groupe d’individus sont touchées, c’est-à-dire lorsqu’ils sont présentés comme des êtres inférieurs et que leur qualité d’être humain ou leur droit à la vie leur sont niés. Les faits reprochés doivent donc revêtir une certaine gravité.
L’art. 261bis CP sanctionne uniquement les discriminations liées à la race, à l’ethnie, à la religion ou à l'orientation sexuelle, mais pas à l’appartenance nationale ni à la citoyenneté.
Explications
«Race»
La notion de «race» est une construction sociale qui ne se fonde pas seulement sur des caractéristiques visibles, mais aussi sur de prétendues différences culturelles, religieuses ou liées à l’origine. Les tenants du racisme prétextent l’appartenance à une ethnie, une culture ou une religion pour justifier des inégalités sociales et économiques par exemple, en leur attribuant une cause biologique.
Les pays d’Europe continentale, contrairement aux pays anglo-saxons, voient dans le terme de «race» une connotation raciste. Ce terme est à ce titre mal vu et donc généralement utilisé entre guillemets. Il apparait néanmoins dans des traités internationaux et, de ce fait, est aussi employé aux art. 8 Cst. et 261bis CP pour désigner l’une des caractéristiques pour lesquelles toute discrimination est proscrite.
En outre, seuls les actes publics sont sanctionnés. Selon le Tribunal fédéral, les actes ou les propos qui revêtent un caractère public au sens de l’article 261bis CP sont ceux qui n’ont pas lieu dans un cadre privé, c’est-à-dire ceux qui ne sont exprimés ni dans le cercle familial ou d’amis ni dans un environnement de relations personnelles ou empreint d’une confiance particulière. L’analyse des circonstances concrètes permet de déterminer au cas par cas si cette condition est remplie. Le nombre de personnes présentes peut aussi jouer un rôle, sans pour autant être déterminant à lui tout seul. (ATF 130 IV 111, p. 119 s., consid. 5.2.2). D’après le Tribunal fédéral, la possibilité concrète que des tiers aient pu constater l’acte suffit déjà à remplir cette condition (ATF 133 IV 308, p. 319, consid. 9.1). Si cette condition fait défaut, les actes incriminés peuvent constituer d’autres infractions, comme l’injure (art. 177 CP) ou les lésions corporelles (art. 122 ss CP).
En cas de harcèlement, de violences ou d’autres difficultés rencontrées dans la vie au sein de l’armée, cette dernière propose le soutien de son Service psychologique et pédagogique (SPP).
Il est important de dénoncer immédiatement toute violation des normes internationales. Si la plainte est rejetée par le tribunal suisse de dernière instance (en règle générale le Tribunal fédéral), il est possible de recourir contre cette décision auprès de la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) ou du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD).
Explications
Appliquer le droit international
Le plaignant peut, sous certaines conditions, s’opposer au jugement en dernière instance (il s’agit la plupart du temps du Tribunal fédéral) en formant recours auprès d’une instance internationale. Dans les cas de discrimination raciale, il s’agit principalement de la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) et du Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD).Pour déposer un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme, il faut déjà avoir invoqué une violation de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) devant la première instance nationale et avoir épuisé toutes les voies de recours nationales. Par ailleurs, la violation de l’interdiction de discriminer (art. 14 CEDH) ne peut pas être invoquée seule, mais uniquement en rapport avec un autre droit garanti par la convention, comme le droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH) ou la liberté de pensée, de conscience et de religion (art. 9 CEDH). Lorsque toutes les procédures de recours sont épuisées au niveau national, il est aussi possible d’intenter une procédure auprès du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale. À noter que dans ce cas, il n’est pas nécessaire d’avoir invoqué au préalable une violation de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ICERD).