Si c’est envisageable, il peut être utile de chercher le dialogue avec les personnes ou services concernés en parallèle aux clarifications juridiques, voire sur la base de celles-ci.
Un employeur qui, pour des motifs à caractère raciste, ne promeut pas le développement professionnel d’un employé viole l’interdiction de discrimination inscrite dans le droit public (art. 8, al. 2, Cst., constitutions cantonales) ou, le cas échéant, enfreint le droit du personnel du secteur public.
Explications
Art. 8 Cst.: égalité devant la loi
1 Tous les êtres humains sont égaux devant la loi.2 Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d’une déficience corporelle, mentale ou psychique.
3 L’homme et la femme sont égaux en droit. La loi pourvoit à l’égalité de droit et de fait, en particulier dans les domaines de la famille, de la formation et du travail. L’homme et la femme ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale.
4 La loi prévoit des mesures en vue d’éliminer les inégalités qui frappent les personnes handicapées.
Commentaire:
En matière de lutte contre la discrimination raciale, le principe général de l’égalité en droit (al. 1) et l’interdiction générale de discriminer (al. 2) revêtent une importance particulière. Ils représentent des droits constitutionnels dont toute personne physique (particuliers) peut se prévaloir, indépendamment de sa nationalité. Les personnes morales (sociétés de capitaux, associations, fondations, etc.) peuvent aussi se prévaloir du principe d’égalité fixé à l’al. 1.
L’art. 8 Cst. s’applique à tous les échelons de l’État (Confédération, cantons, communes et autres organes de l’administration), aussi bien dans la phase d’élaboration du droit que dans son application. À noter toutefois que cette disposition ne lie en principe que l’État et qu’elle n’est donc applicable que de manière très restreinte aux relations entre particuliers.
Le principe d’égalité de l’al. 1 n’est pas absolu. Il arrive qu’une inégalité de traitement soit justifiée par des raisons objectives: elle est dans ce cas licite, voire obligatoire. Par exemple, les prestations de l’aide sociale varient en fonction du statut de séjour d’un individu.
L’interdiction de discriminer fixée à l’al. 2 représente une application particulière du principe d’égalité et constitue en quelque sorte l’essence de l’art. 8 Cst. Toute inégalité de traitement fondée sur l’une des caractéristiques mentionnées à cet alinéa est illicite, à moins qu’elle repose sur une justification dite qualifiée, c’est-à-dire qu’elle est proportionnée au but visé et justifiée par un intérêt public (par analogie à l’art. 36 Cst.). L’interdiction de discriminer s’applique indépendamment de l’intentionnalité de l’acte et frappe les discriminations aussi bien directes qu’indirectes.
Explications
Discrimination indirecte
Il y a discrimination indirecte lorsque des lois, des politiques ou des pratiques aboutissent, en dépit de leur apparente neutralité, à une inégalité illicite.
Le Tribunal fédéral parle de discrimination indirecte lorsqu’une disposition qui, dans sa formulation, ne présente pas de caractère discriminatoire, a pourtant un tel effet dans la pratique, de manière particulièrement prononcée et sans juste motif, à l’encontre d’un groupe spécifiquement protégé contre la discrimination. (ATF 129 I 217, consid. 2.1, p. 224).
Explications
Discrimination directe
Le Tribunal fédéral parle de discrimination directe lorsqu’une personne subit une inégalité de traitement sur la seule base de son appartenance à un groupe qui, par le passé et dans la réalité sociale actuelle, a tendance à être exclu ou dénigré. La discrimination peut être décrite comme un acte qualifié d’inégalité de traitement entre des personnes placées dans des situations comparables, qui a pour conséquence de désavantager une personne et que l’on doit considérer comme un dénigrement ou une exclusion car il se fonde sur une caractéristique de la personne qui constitue un élément essentiel et indissociable, ou difficilement dissociable, de son identité. (1re occurrence dans ATF 126 II 377, consid. 6a, p. 392 ss.).
Qu’elle soit directe ou indirecte, la discrimination se distingue de l’inégalité de traitement, qui se fonde quant à elle sur des critères ou des motifs licites.
La liste des caractéristiques mentionnées à l’al. 2 n’est pas exhaustive. Par origine, on entend la provenance géographique ou l’appartenance ethnique, nationale ou culturelle qui constitue l’identité d’une personne. Les inégalités fondées sur la nationalité relèvent en premier lieu de l’al. 1. Devenu aujourd’hui obsolète en Europe, le terme de race renvoie quant à lui à des caractéristiques telles que la couleur de peau ou l’ascendance. Enfin, les droits liés à la langue et aux convictions sont réglés plus spécifiquement dans d’autres dispositions (liberté de la langue, art. 18 Cst., liberté de conscience et de croyance, art. 15 Cst., libertés d’opinion et d’information, art. 16 Cst.).
Recommandation générale: il est conseillé de réunir dès le début le plus grand nombre de preuves possibles (p. ex. correspondance, notes d’entretien, adresses de témoins). En effet, il faudra produire des moyens de preuve écrits sous forme papier à l’intention des autorités concernées. Attention: les enregistrements audio et vidéo réalisés clandestinement sont illégaux et ne constituent pas des preuves recevables!
Plainte auprès d’un bureau de médiation cantonal ou municipal (ombudsman)
Si possible, il est conseillé de s’adresser en priorité à un bureau de médiation. S’il y a des délais légaux à respecter, il faut engager la procédure judiciaire ordinaire en parallèle, car le dépôt d’une plainte auprès d’un ombudsman n’a pas d’effet suspensif. Les bureaux de médiation reçoivent les plaintes et servent de médiateurs entre les citoyens et l’administration. Leur mission consiste, d’une part, à protéger les citoyens contre tout comportement arbitraire ou irrégulier de l’administration et, d’autre part, à défendre l’administration de reproches injustifiés. La plainte peut être déposée sous forme écrite ou orale. Les bureaux de médiation examinent si l’administration a agi de manière inappropriée, prennent position et cherchent une solution satisfaisante pour les deux parties. Ils disposent de pouvoirs étendus en matière d’examen (droit de consulter le dossier, droit d’être renseigné); par contre, ils n’ont pas de compétence décisionnelle, ils ne peuvent pas infliger d’amendes ou d’autres sanctions et ils ne sont pas non plus habilités à annuler ou à modifier une décision rendue par l’administration. Cela étant, ces bureaux sont respectés par les autorités et peuvent obtenir de bons résultats.
Procédure administrative ordinaire (opposition, recours, recours administratif, recours de droit administratif)
La procédure et les voies de droit varient selon l’autorité, le domaine juridique et l’échelon étatique concernés. Par ailleurs, il faut veiller à respecter les délais et les prescriptions formelles. Les centres de conseil juridique cantonaux peuvent fournir de plus amples renseignements à cet égard.
Le mémoire doit indiquer avec précision pourquoi il est reproché à l’autorité d’avoir fait preuve de racisme. Si le recours aboutit, l’autorité à l’origine de la discrimination peut être tenue le cas échéant de verser un dédommagement pour le tort causé par l’atteinte à la personnalité. En règle générale, la demande de compensation financière se fait plutôt par le biais d’une plainte en responsabilité de l’État. Le montant est proportionnel à la gravité de l’atteinte subie et au degré de responsabilité de l’auteur. L’indemnisation n’excède d’ordinaire pas quelques centaines de francs.
Dénonciation à l’autorité de surveillance
Toute personne (qu’elle soit directement touchée ou non) peut procéder à une dénonciation auprès de l’autorité de surveillance – en principe l’autorité à laquelle est subordonnée l’institution en cause. Ce type de dénonciation n’est soumis ni à une forme ni à des délais particuliers. Par ailleurs, contrairement au recours administratif, aucune décision préalable n’est nécessaire pour procéder à une dénonciation. L’autorité de surveillance n’est pas tenue d’entrer en matière; elle ne le fait en général qu’en cas de violations répétées. Toutefois, si une institution est soupçonnée de racisme, on peut supposer qu’il existe un intérêt public prépondérant à enquêter. Ce type de dénonciation se justifie notamment lorsque les autres voies de droit ne présentent que peu de chances de succès et que les violations sont répétées. Remarque: une dénonciation n’a pas d’effet suspensif sur les délais!
Action en responsabilité de l’État (pour les actes racistes commis par une personne ou une entité accomplissant des tâches pour le compte de l’État)
Il ne faut engager une procédure en responsabilité que si l’on peut apporter la preuve qu’il y a effectivement un dommage matériel ou immatériel (atteinte à la personnalité) (p. ex. quand une personne, de manière injustifiée, n’est pas promue dans une classe de salaire supérieure). Le cas échéant, la responsabilité de l’employeur peut être mise en cause pour acte raciste. La Confédération, les cantons et les communes ont des réglementations différentes. Le montant d’une éventuelle compensation financière est proportionnel à la gravité de l’atteinte subie et au degré de responsabilité de l’auteur. L’indemnisation n’excède d’ordinaire pas quelques centaines de francs. Informations complémentaires sur la responsabilité de l’État (en allemand).