Discrimination par les assurances

Exemple: une famille yéniche est sédentaire pendant quatre mois et voyage le reste de l’année en Suisse et dans les pays voisins. La femme est en incapacité de travail en raison de maux de dos et ne peut plus aider son mari à tenir sa brocante. Les autorités refusent sa demande de rente AI, car elle serait tout à fait en mesure d’exercer un autre métier. Mais un autre métier n’est pas compatible avec le style de vie semi-nomade de la famille.

L’octroi de prestations sociales est en partie lié à des conditions axées sur le mode de vie sédentaire. Les personnes ayant un mode de vie itinérant sont donc indirectement discriminées. Or les assurances obligatoires, même si elles sont organisées selon le droit privé, doivent respecter l’interdiction de discriminer inscrite à l’art. 8, al. 2, Cst., car elles assument des tâches de l’administration.

Explications

Art. 8 Cst.: égalité devant la loi

1 Tous les êtres humains sont égaux devant la loi.
2 Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d’une déficience corporelle, mentale ou psychique.

3 L’homme et la femme sont égaux en droit. La loi pourvoit à l’égalité de droit et de fait, en particulier dans les domaines de la famille, de la formation et du travail. L’homme et la femme ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale.
4 La loi prévoit des mesures en vue d’éliminer les inégalités qui frappent les personnes handicapées.

Commentaire:

En matière de lutte contre la discrimination raciale, le principe général de l’égalité en droit (al. 1) et l’interdiction générale de discriminer (al. 2) revêtent une importance particulière. Ils représentent des droits constitutionnels dont toute personne physique (particuliers) peut se prévaloir, indépendamment de sa nationalité. Les personnes morales (sociétés de capitaux, associations, fondations, etc.) peuvent aussi se prévaloir du principe d’égalité fixé à l’al. 1.

L’art. 8 Cst. s’applique à tous les échelons de l’État (Confédération, cantons, communes et autres organes de l’administration), aussi bien dans la phase d’élaboration du droit que dans son application. À noter toutefois que cette disposition ne lie en principe que l’État et qu’elle n’est donc applicable que de manière très restreinte aux relations entre particuliers.

Le principe d’égalité de l’al. 1 n’est pas absolu. Il arrive qu’une inégalité de traitement soit justifiée par des raisons objectives: elle est dans ce cas licite, voire obligatoire. Par exemple, les prestations de l’aide sociale varient en fonction du statut de séjour d’un individu.

L’interdiction de discriminer fixée à l’al. 2 représente une application particulière du principe d’égalité et constitue en quelque sorte l’essence de l’art. 8 Cst. Toute inégalité de traitement fondée sur l’une des caractéristiques mentionnées à cet alinéa est illicite, à moins qu’elle repose sur une justification dite qualifiée, c’est-à-dire qu’elle est proportionnée au but visé et justifiée par un intérêt public (par analogie à l’art. 36 Cst.). L’interdiction de discriminer s’applique indépendamment de l’intentionnalité de l’acte et frappe les discriminations aussi bien directes qu’indirectes.

Explications

Discrimination indirecte

Il y a discrimination indirecte lorsque des lois, des politiques ou des pratiques aboutissent, en dépit de leur apparente neutralité, à une inégalité illicite.

Le Tribunal fédéral parle de discrimination indirecte lorsqu’une disposition qui, dans sa formulation, ne présente pas de caractère discriminatoire, a pourtant un tel effet dans la pratique, de manière particulièrement prononcée et sans juste motif, à l’encontre d’un groupe spécifiquement protégé contre la discrimination. (ATF 129 I 217, consid. 2.1, p. 224).

Explications

Discrimination directe

Le Tribunal fédéral parle de discrimination directe lorsqu’une personne subit une inégalité de traitement sur la seule base de son appartenance à un groupe qui, par le passé et dans la réalité sociale actuelle, a tendance à être exclu ou dénigré. La discrimination peut être décrite comme un acte qualifié d’inégalité de traitement entre des personnes placées dans des situations comparables, qui a pour conséquence de désavantager une personne et que l’on doit considérer comme un dénigrement ou une exclusion car il se fonde sur une caractéristique de la personne qui constitue un élément essentiel et indissociable, ou difficilement dissociable, de son identité. (1re occurrence dans ATF 126 II 377, consid. 6a, p. 392 ss.).

Qu’elle soit directe ou indirecte, la discrimination se distingue de l’inégalité de traitement, qui se fonde quant à elle sur des critères ou des motifs licites.

La liste des caractéristiques mentionnées à l’al. 2 n’est pas exhaustive. Par origine, on entend la provenance géographique ou l’appartenance ethnique, nationale ou culturelle qui constitue l’identité d’une personne. Les inégalités fondées sur la nationalité relèvent en premier lieu de l’al. 1. Devenu aujourd’hui obsolète en Europe, le terme de race renvoie quant à lui à des caractéristiques telles que la couleur de peau ou l’ascendance. Enfin, les droits liés à la langue et aux convictions sont réglés plus spécifiquement dans d’autres dispositions (liberté de la langue, art. 18 Cst., liberté de conscience et de croyance, art. 15 Cst., libertés d’opinion et d’information, art. 16 Cst.).

Explications

Définitions

Dans le domaine du racisme et de la discrimination raciale, il existe un grand nombre de notions dont la seule utilisation fait débat dans la société et peut avoir des conséquences politiques ou juridiques. Les principales notions sont brièvement clarifiées dans le présent chapitre. À noter toutefois qu’il ne s’agit pas de définitions officielles.

Le document Notions en lien avec le racisme: acceptions en Suisse et au plan international offre des explications plus détaillées sur ce thème.

Racisme

On entend par racisme une idéologie qui classe les personnes dans des groupes prétendument naturels appelés «races» en fonction de leur appartenance à une ethnie ou une religion, par exemple, et qui établit une hiérarchie entre ces groupes. L’être humain n’est alors plus considéré ni traité comme individu, mais comme membre d’un groupe soi-disant naturel et doté de caractéristiques collectives jugées immuables.

«Race»

La notion de «race» est une construction sociale qui ne se fonde pas seulement sur des caractéristiques visibles, mais aussi sur de prétendues différences culturelles, religieuses ou liées à l’origine. Les tenants du racisme prétextent l’appartenance à une ethnie, une culture ou une religion pour justifier des inégalités sociales et économiques par exemple, en leur attribuant une cause biologique.

Les pays d’Europe continentale, contrairement aux pays anglo-saxons, voient dans le terme de «race» une connotation raciste. Ce terme est à ce titre mal vu et donc généralement utilisé entre guillemets. Il apparait néanmoins dans des traités internationaux et, de ce fait, est aussi employé aux art. 8 Cst. et 261bis CP pour désigner l’une des caractéristiques pour lesquelles toute discrimination est proscrite.

Discrimination raciale

La discrimination raciale désigne tout acte ou pratique qui, au nom d’une particularité physique, de l’appartenance ethnique ou religieuse ou encore d’une caractéristique culturelle, discrimine une personne de manière injustifiée, l’humilie, la menace ou met en danger sa vie ou son intégrité corporelle.

Explications

Art 261bis CP: discrimination raciale

1 Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle;
2 quiconque, publiquement, propage une idéologie visant à rabaisser ou à dénigrer de façon systématique cette personne ou ce groupe de personnes;
3 quiconque, dans le même dessein, organise ou encourage des actions de propagande ou y prend part;
4 quiconque publiquement, par la parole, l’écriture, l’image, le geste, par des voies de fait ou de toute autre manière, abaisse ou discrimine d’une façon qui porte atteinte à la dignité humaine une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle ou qui, pour la même raison, nie, minimise grossièrement ou cherche à justifier un génocide ou d’autres crimes contre l’humanité;
5 quiconque refuse à une personne ou à un groupe de personnes, en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, une prestation destinée à l’usage public,
6 est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

Commentaire:

Les al. 1 à 3 de cette disposition portent sur différentes formes de discours de haine adressés publiquement (appel à la haine ou diffusion d’idéologies racistes). À l’inverse, les al. 4 et 5 visent des discriminations directes à l’encontre d’une personne ou d’un groupe de personnes.

L’art 261bis CP protège en premier lieu la dignité humaine (art. 7 Cst.). Ainsi, cette disposition cherche à préserver la paix publique, qui vise à garantir la coexistence pacifique et la sécurité de la population. Il y a atteinte à la dignité humaine dès lors que les caractéristiques essentielles de la personnalité d’un individu ou d’un groupe d’individus sont touchées, c’est-à-dire lorsqu’ils sont présentés comme des êtres inférieurs et que leur qualité d’être humain ou leur droit à la vie leur sont niés. Les faits reprochés doivent donc revêtir une certaine gravité.

L’art. 261bis CP sanctionne uniquement les discriminations liées à la ABSATZ13race, à l’ethnie, à la religion ou à l'orientation sexuelle, mais pas à l’appartenance nationale ni à la citoyenneté.

En outre, seuls les actes publics sont sanctionnés. Selon le Tribunal fédéral, les actes ou les propos qui revêtent un caractère public au sens de l’article 261bis CP sont ceux qui n’ont pas lieu dans un cadre privé, c’est-à-dire ceux qui ne sont exprimés ni dans le cercle familial ou d’amis ni dans un environnement de relations personnelles ou empreint d’une confiance particulière. L’analyse des circonstances concrètes permet de déterminer au cas par cas si cette condition est remplie. Le nombre de personnes présentes peut aussi jouer un rôle, sans pour autant être déterminant à lui tout seul. (ATF 130 IV 111, p. 119 s., consid. 5.2.2). D’après le Tribunal fédéral, la possibilité concrète que des tiers aient pu constater l’acte suffit déjà à remplir cette condition (ATF 133 IV 308, p. 319, consid. 9.1). Si cette condition fait défaut, les actes incriminés peuvent constituer d’autres infractions, comme l’injure (art. 177 CP) ou les lésions corporelles (art. 122 ss CP).

Explications

Art. 8 Cst.: égalité devant la loi

1 Tous les êtres humains sont égaux devant la loi.
2 Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d’une déficience corporelle, mentale ou psychique.

3 L’homme et la femme sont égaux en droit. La loi pourvoit à l’égalité de droit et de fait, en particulier dans les domaines de la famille, de la formation et du travail. L’homme et la femme ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale.
4 La loi prévoit des mesures en vue d’éliminer les inégalités qui frappent les personnes handicapées.

Commentaire:

En matière de lutte contre la discrimination raciale, le principe général de l’égalité en droit (al. 1) et l’interdiction générale de discriminer (al. 2) revêtent une importance particulière. Ils représentent des droits constitutionnels dont toute personne physique (particuliers) peut se prévaloir, indépendamment de sa nationalité. Les personnes morales (sociétés de capitaux, associations, fondations, etc.) peuvent aussi se prévaloir du principe d’égalité fixé à l’al. 1.

L’art. 8 Cst. s’applique à tous les échelons de l’État (Confédération, cantons, communes et autres organes de l’administration), aussi bien dans la phase d’élaboration du droit que dans son application. À noter toutefois que cette disposition ne lie en principe que l’État et qu’elle n’est donc applicable que de manière très restreinte aux relations entre particuliers.

Le principe d’égalité de l’al. 1 n’est pas absolu. Il arrive qu’une inégalité de traitement soit justifiée par des raisons objectives: elle est dans ce cas licite, voire obligatoire. Par exemple, les prestations de l’aide sociale varient en fonction du statut de séjour d’un individu.

L’interdiction de discriminer fixée à l’al. 2 représente une application particulière du principe d’égalité et constitue en quelque sorte l’essence de l’art. 8 Cst. Toute inégalité de traitement fondée sur l’une des caractéristiques mentionnées à cet alinéa est illicite, à moins qu’elle repose sur une justification dite qualifiée, c’est-à-dire qu’elle est proportionnée au but visé et justifiée par un intérêt public (par analogie à l’art. 36 Cst.). L’interdiction de discriminer s’applique indépendamment de l’intentionnalité de l’acte et frappe les discriminations aussi bien ABSATZ19directes qu’ABSATZ20indirectes.

La liste des caractéristiques mentionnées à l’al. 2 n’est pas exhaustive. Par origine, on entend la provenance géographique ou l’appartenance ethnique, nationale ou culturelle qui constitue l’identité d’une personne. Les inégalités fondées sur la nationalité relèvent en premier lieu de l’al. 1. Devenu aujourd’hui obsolète en Europe, le terme de race renvoie quant à lui à des caractéristiques telles que la couleur de peau ou l’ascendance. Enfin, les droits liés à la langue et aux convictions sont réglés plus spécifiquement dans d’autres dispositions (liberté de la langue, art. 18 Cst., liberté de conscience et de croyance, art. 15 Cst., libertés d’opinion et d’information, art. 16 Cst.).

Contrairement au racisme, la discrimination raciale ne repose pas forcément sur des présupposés idéologiques. Par ailleurs, elle peut être intentionnelle, mais il arrive aussi souvent qu’elle ne soit pas délibérée (p. ex. discrimination indirecte ou structurelle).

Opinions (racistes)

D’après le Petit Robert, l’opinion est une manière de penser, de juger ; une attitude de l’esprit qui tient pour vraie une assertion. Ce terme, qui possède donc une composante subjective, englobe les convictions positives, négatives ou stéréotypées.

Les opinions racistes ne mènent pas forcément à des actes racistes et ne reposent pas obligatoirement sur des présupposés idéologiques. Mais elles créent un climat de tolérance, voire d’approbation, envers la discrimination raciale.

Xénophobie

La xénophobie est une attitude fondée sur des préjugés et des stéréotypes, qui associe tout ce qui est considéré comme «autre» ou étranger à des sentiments négatifs. Par un mécanisme sociopsychologique, l’hostilité manifestée envers les «étrangers» engendre un sentiment de supériorité. La perception des personnes jugées «étrangères» ou «autres» ne repose pas sur des critères anthropologiques, mais socioculturels. En d’autres termes, elle n’est pas innée et peut donc évoluer.

L’utilisation du terme de xénophobie n’est pas sans danger, car expliquer les mécanismes de stigmatisation par la psychologie et la biologie (avec le suffixe «-phobie») revient à attribuer la discrimination et l’exclusion à des causes naturelles et à les justifier. Cette notion est néanmoins utile pour désigner une attitude diffuse, pas nécessairement d’origine idéologique, qui repose sur le refus général de tout ce qui est «étranger» et la crainte de la «surpopulation étrangère», et appelle de ses vœux une politique d’immigration discriminatoire et restrictive. Son emploi se justifie aussi par son ancrage dans les traités et documents internationaux (souvent dans la formulation «Racism and Xenophobia»).

Crimes de haine (hate crimes)

On entend par «crime de haine» tout acte à l’encontre d’une personne ou d’un groupe de personnes motivé par la haine, le mépris ou la volonté d’exclusion. L’intention de discriminer peut être de nature raciste, sexiste, homophobe, etc.

En Suisse, la haine en tant que motif peut constituer une circonstance aggravante en cas d’infraction (ATF 133 IV 308). La notion fait l’objet de discussions dans les instances internationales (p. ex. à l’OSCE) et est ancrée dans le droit pénal américain.

Discours de haine (hate speech)

On entend par «discours de haine» les propos qui portent atteinte à la dignité d’une personne ou d’un groupe de personnes de manière discriminatoire, c’est-à-dire en raison d’une caractéristique perçue comme négative, par exemple l’origine, le handicap, l’âge, le genre ou encore l’orientation ou l’identité sexuelles.

À l’heure actuelle, il n’existe aucune définition juridique uniforme de cette notion complexe, que ce soit au niveau national ou international. En Suisse, le discours de haine raciste tombe sous le coup de l’art. 4 ICERD (art. 261bis CP).

Explications

Art 261bis CP: discrimination raciale

1 Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle;
2 quiconque, publiquement, propage une idéologie visant à rabaisser ou à dénigrer de façon systématique cette personne ou ce groupe de personnes;
3 quiconque, dans le même dessein, organise ou encourage des actions de propagande ou y prend part;
4 quiconque publiquement, par la parole, l’écriture, l’image, le geste, par des voies de fait ou de toute autre manière, abaisse ou discrimine d’une façon qui porte atteinte à la dignité humaine une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle ou qui, pour la même raison, nie, minimise grossièrement ou cherche à justifier un génocide ou d’autres crimes contre l’humanité;
5 quiconque refuse à une personne ou à un groupe de personnes, en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, une prestation destinée à l’usage public,
6 est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

Commentaire:

Les al. 1 à 3 de cette disposition portent sur différentes formes de discours de haine adressés publiquement (appel à la haine ou diffusion d’idéologies racistes). À l’inverse, les al. 4 et 5 visent des discriminations directes à l’encontre d’une personne ou d’un groupe de personnes.

L’art 261bis CP protège en premier lieu la dignité humaine (art. 7 Cst.). Ainsi, cette disposition cherche à préserver la paix publique, qui vise à garantir la coexistence pacifique et la sécurité de la population. Il y a atteinte à la dignité humaine dès lors que les caractéristiques essentielles de la personnalité d’un individu ou d’un groupe d’individus sont touchées, c’est-à-dire lorsqu’ils sont présentés comme des êtres inférieurs et que leur qualité d’être humain ou leur droit à la vie leur sont niés. Les faits reprochés doivent donc revêtir une certaine gravité.

L’art. 261bis CP sanctionne uniquement les discriminations liées à la ABSATZ13race, à l’ethnie, à la religion ou à l'orientation sexuelle, mais pas à l’appartenance nationale ni à la citoyenneté.

En outre, seuls les actes publics sont sanctionnés. Selon le Tribunal fédéral, les actes ou les propos qui revêtent un caractère public au sens de l’article 261bis CP sont ceux qui n’ont pas lieu dans un cadre privé, c’est-à-dire ceux qui ne sont exprimés ni dans le cercle familial ou d’amis ni dans un environnement de relations personnelles ou empreint d’une confiance particulière. L’analyse des circonstances concrètes permet de déterminer au cas par cas si cette condition est remplie. Le nombre de personnes présentes peut aussi jouer un rôle, sans pour autant être déterminant à lui tout seul. (ATF 130 IV 111, p. 119 s., consid. 5.2.2). D’après le Tribunal fédéral, la possibilité concrète que des tiers aient pu constater l’acte suffit déjà à remplir cette condition (ATF 133 IV 308, p. 319, consid. 9.1). Si cette condition fait défaut, les actes incriminés peuvent constituer d’autres infractions, comme l’injure (art. 177 CP) ou les lésions corporelles (art. 122 ss CP).

De plus en plus, les discours de haine sont diffusés sur Internet, ce qui rend difficile toute poursuite judiciaire.

Discrimination directe

Le Tribunal fédéral parle de discrimination directe lorsqu’une personne subit une inégalité de traitement sur la seule base de son appartenance à un groupe qui, par le passé et dans la réalité sociale actuelle, a tendance à être exclu ou dénigré. La discrimination peut être décrite comme un acte qualifié d’inégalité de traitement entre des personnes placées dans des situations comparables, qui a pour conséquence de désavantager une personne et que l’on doit considérer comme un dénigrement ou une exclusion car il se fonde sur une caractéristique de la personne qui constitue un élément essentiel et indissociable, ou difficilement dissociable, de son identité. (1re occurrence dans ATF 126 II 377, consid. 6a, p. 392 ss.).

Qu’elle soit directe ou indirecte, la discrimination se distingue de l’inégalité de traitement, qui se fonde quant à elle sur des critères ou des motifs licites.

Discrimination indirecte

Il y a discrimination indirecte lorsque des lois, des politiques ou des pratiques aboutissent, en dépit de leur apparente neutralité, à une inégalité illicite.

Le Tribunal fédéral parle de discrimination indirecte lorsqu’une disposition qui, dans sa formulation, ne présente pas de caractère discriminatoire, a pourtant un tel effet dans la pratique, de manière particulièrement prononcée et sans juste motif, à l’encontre d’un groupe spécifiquement protégé contre la discrimination. (ATF 129 I 217, consid. 2.1, p. 224).

Discrimination institutionnelle

Il y a discrimination institutionnelle lorsqu’une procédure ou règle présumée neutre appliquée par une institution ou une organisation vise et exclut certains groupes de manière particulièrement discriminatoire (par exemple lorsque, à l’école, les enfants de langue étrangère sont moins bien notés que les autres en sciences naturelles à cause de leurs difficultés linguistiques).

Discrimination structurelle

En sociologie, la notion de discrimination structurelle désigne une forme d’exclusion et de discrimination d’un groupe donné qui, s’étant progressivement développée dans la société et étant considérée comme «normale», n’est pas forcément remise en cause ni même perçue par ceux qui la pratiquent. Par exemple, le fait que les métiers «typiquement féminins» soient moins bien rémunérés a longtemps été considéré comme naturel.

Discrimination multiple / discrimination intersectionnelle

Il y a discrimination multiple lorsque celle-ci se fonde sur plusieurs critères à la fois (p. ex. une particularité physique ou l’appartenance religieuse combinée au genre, à la classe sociale, à un handicap ou à toute autre caractéristique).

Il y a discrimination intersectionnelle lorsque plusieurs formes d’exclusion interagissent et engendrent une discrimination qui, sans cette interaction, ne se produirait pas. Un acte raciste envers une femme peut par exemple se manifester de manière sexiste ou, à l’inverse, une action à visée sexiste peut être liée à un motif raciste.

Voir aussi à ce sujet la fiche d'information du CSDH sur la discrimination multiple: https://www.skmr.ch/frz/domaines/genre/publications/discrimination-multiple.html

Profilage racial ou ethnique / contrôles d’identité sans raison objective / délit de faciès

Le profilage racial, plus communément appelé «délit de faciès», désigne le fait, pour des policiers, agents de sécurité ou gardes-frontières, de contrôler quelqu’un en raison d’une particularité physique, d’une appartenance ethnique ou religieuse ou encore d’une caractéristique culturelle (langue, nom), sans qu’il y ait aucune raison concrète de le soupçonner. Notamment interdit en Grande-Bretagne et aux États-Unis, le profilage racial est controversé car il serait inefficace.

Hostilité à l’égard des personnes musulmanes / islamophobie

La notion d’hostilité à l’égard des personnes musulmanes désigne une attitude de rejet envers les personnes qui déclarent être musulmanes ou dont on suppose qu’elles le sont. Elle peut inclure un rejet des personnes provenant d’un pays déterminé (à majorité musulmane) ou le rejet d’une société jugée patriarcale ou sexiste, ou encore d’une pratique religieuse fondamentaliste. Elle peut aussi s’incarner par la conviction que toutes les personnes musulmanes veulent introduire la charia, foulent aux pieds les droits humains ou ont de la sympathie pour les terroristes islamistes. Nous préférons le terme d’hostilité à l’égard des personnes musulmanes à celui d’islamophobie car l’action de l’État contre la discrimination à l’encontre des personnes musulmanes vise principalement à protéger des personnes ou des groupes d’individus, et non une religion en tant que telle.

Par ailleurs, le fait de recourir à la notion d’islamophobie n’est pas sans danger, car expliquer les mécanismes de stigmatisation par la psychologie et la biologie (avec le suffixe «-phobie») revient à attribuer la discrimination et l’exclusion à des causes naturelles et à les justifier.

Racisme à l’égard des personnes noires / racisme anti-Noirs

Le racisme à l’égard des personnes noires, ou racisme anti-Noirs, se rapporte spécifiquement à la couleur de peau ou à la physionomie. Il se caractérise par le fait de tirer des conclusions sur l’essence d’une personne (génotype) à partir de son apparence physique (phénotype), en lui attribuant des comportements ou des traits de caractère négatifs.

Le racisme à l’égard des personnes noires puise ses origines dans l’idéologie raciste des XVIIe et XVIIIe siècles, qui a servi à justifier le colonialisme et l’esclavage. En Suisse, il touche des populations très diverses (Suisses d’origine africaine ou américaine, migrants en provenance de ces régions ou de pays européens voisins).

Contrairement aux opinions et aux comportements racistes fondés sur la religion ou la culture (supposée ou réelle), ce type de racisme se base sur des caractéristiques visibles et constantes. Seules comptent l’aspect extérieur et la couleur de peau, que la personne vive en Suisse depuis des générations ou qu’elle vienne d’arriver, qu’elle soit bien intégrée ou non. Cette forme de racisme ne peut pas être combattue par une politique d’intégration, mais uniquement par des mesures de lutte contre les comportements et les opinions discriminatoires.

Antisémitisme / Hostilité à l'égard des personnes juives

L’antisémitisme peut se traduire par des actes (p. ex. atteinte à la vie, à l’intégrité corporelle ou à la propriété de personnes ou institutions juives), mais il peut aussi consister en des convictions, préjugés ou stéréotypes hostiles qui se manifestent clairement ou de manière diffuse dans la culture, la société ou des actes individuels et visent à établir la supériorité d’un groupe donné sur les personnes et institutions juives, ou à rabaisser ou discriminer ces dernières. Le terme d’hostilité à l’égard des personnes juives (ou antisémitisme) désigne des attitudes défavorables durables envers les juives et les juifs, conçus et perçus comme une «race» homogène.

La notion d’antisémitisme est de nos jours employée comme terme générique et désigne souvent toutes les formes de comportements et d’opinions anti-juifs. L’antisémitisme représente un cas à part au sein du racisme car il fait découler une appartenance ethnique (à laquelle se réfère le terme de « sémite », qui est lui-même une construction linguistique) d’une appartenance religieuse.

L’action de l’État contre la discrimination à l’encontre des personnes juives ou considérées comme telles vise principalement à protéger des personnes ou des groupes d’individus, et non une religion en soi.

Cette formulation, adaptée au contexte suisse, repose essentiellement sur la définition donnée par l’International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA).

Antitsiganisme

Apparu dans les années 80, l’antitsiganisme est une notion construite par analogie à celle d’antisémitisme qui désigne les opinions hostiles et stéréotypées à l’encontre des personnes et groupes estampillés «tsiganes» (Yéniches, Roms, Sintés et Manouches, etc.), qu’ils soient nomades ou sédentaires. Selon les époques, l’hostilité envers ces communautés a pris la forme d’une discrimination économique, sociale ou étatique, de persécutions politiques pouvant aller jusqu’à la déportation, l’internement, la stérilisation forcée ou le génocide.

Le terme d’antitsiganisme fait débat car le mot «tsigane» ayant une connotation raciste, il perpétue cette stigmatisation lorsqu’il est employé pour désigner l’hostilité à l’encontre des Yéniches, Roms, Sintés et Manouches.

S'agissant des possibilités de travailler, le Tribunal fédéral a décidé qu’on ne peut pas appliquer les mêmes règles aux personnes ayant un mode de vie itinérant et aux personnes ayant un mode de vie sédentaire. Exiger des premiers qu’ils exercent un travail lié à un endroit et abandonnent leur mode de vie constitue une discrimination. Cette jurisprudence du Tribunal fédéral s’applique également à d’autres domaines des assurances.

Un refus de prestations peut également relever du droit pénal s’il a des motivations racistes (art. 261bis CP).

Explications

Art 261bis CP: discrimination raciale

1 Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle;
2 quiconque, publiquement, propage une idéologie visant à rabaisser ou à dénigrer de façon systématique cette personne ou ce groupe de personnes;
3 quiconque, dans le même dessein, organise ou encourage des actions de propagande ou y prend part;
4 quiconque publiquement, par la parole, l’écriture, l’image, le geste, par des voies de fait ou de toute autre manière, abaisse ou discrimine d’une façon qui porte atteinte à la dignité humaine une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle ou qui, pour la même raison, nie, minimise grossièrement ou cherche à justifier un génocide ou d’autres crimes contre l’humanité;
5 quiconque refuse à une personne ou à un groupe de personnes, en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, une prestation destinée à l’usage public,
6 est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

Commentaire:

Les al. 1 à 3 de cette disposition portent sur différentes formes de discours de haine adressés publiquement (appel à la haine ou diffusion d’idéologies racistes). À l’inverse, les al. 4 et 5 visent des discriminations directes à l’encontre d’une personne ou d’un groupe de personnes.

L’art 261bis CP protège en premier lieu la dignité humaine (art. 7 Cst.). Ainsi, cette disposition cherche à préserver la paix publique, qui vise à garantir la coexistence pacifique et la sécurité de la population. Il y a atteinte à la dignité humaine dès lors que les caractéristiques essentielles de la personnalité d’un individu ou d’un groupe d’individus sont touchées, c’est-à-dire lorsqu’ils sont présentés comme des êtres inférieurs et que leur qualité d’être humain ou leur droit à la vie leur sont niés. Les faits reprochés doivent donc revêtir une certaine gravité.

L’art. 261bis CP sanctionne uniquement les discriminations liées à la race, à l’ethnie, à la religion ou à l'orientation sexuelle, mais pas à l’appartenance nationale ni à la citoyenneté.

Explications

«Race»

La notion de «race» est une construction sociale qui ne se fonde pas seulement sur des caractéristiques visibles, mais aussi sur de prétendues différences culturelles, religieuses ou liées à l’origine. Les tenants du racisme prétextent l’appartenance à une ethnie, une culture ou une religion pour justifier des inégalités sociales et économiques par exemple, en leur attribuant une cause biologique.

Les pays d’Europe continentale, contrairement aux pays anglo-saxons, voient dans le terme de «race» une connotation raciste. Ce terme est à ce titre mal vu et donc généralement utilisé entre guillemets. Il apparait néanmoins dans des traités internationaux et, de ce fait, est aussi employé aux art. 8 Cst. et 261bis CP pour désigner l’une des caractéristiques pour lesquelles toute discrimination est proscrite.

En outre, seuls les actes publics sont sanctionnés. Selon le Tribunal fédéral, les actes ou les propos qui revêtent un caractère public au sens de l’article 261bis CP sont ceux qui n’ont pas lieu dans un cadre privé, c’est-à-dire ceux qui ne sont exprimés ni dans le cercle familial ou d’amis ni dans un environnement de relations personnelles ou empreint d’une confiance particulière. L’analyse des circonstances concrètes permet de déterminer au cas par cas si cette condition est remplie. Le nombre de personnes présentes peut aussi jouer un rôle, sans pour autant être déterminant à lui tout seul. (ATF 130 IV 111, p. 119 s., consid. 5.2.2). D’après le Tribunal fédéral, la possibilité concrète que des tiers aient pu constater l’acte suffit déjà à remplir cette condition (ATF 133 IV 308, p. 319, consid. 9.1). Si cette condition fait défaut, les actes incriminés peuvent constituer d’autres infractions, comme l’injure (art. 177 CP) ou les lésions corporelles (art. 122 ss CP).

Il est important de dénoncer immédiatement toute violation des normes internationales. Si la plainte est rejetée par le tribunal suisse de dernière instance (en règle générale le Tribunal fédéral), il est possible de recourir contre cette décision auprès de la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) ou du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD).

Explications

Appliquer le droit international

Le plaignant peut, sous certaines conditions, s’opposer au jugement en dernière instance (il s’agit la plupart du temps du Tribunal fédéral) en formant recours auprès d’une instance internationale. Dans les cas de discrimination raciale, il s’agit principalement de la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) et du Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD).

Pour déposer un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme, il faut déjà avoir invoqué une violation de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) devant la première instance nationale et avoir épuisé toutes les voies de recours nationales. Par ailleurs, la violation de l’interdiction de discriminer (art. 14 CEDH) ne peut pas être invoquée seule, mais uniquement en rapport avec un autre droit garanti par la convention, comme le droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH) ou la liberté de pensée, de conscience et de religion (art. 9 CEDH). Lorsque toutes les procédures de recours sont épuisées au niveau national, il est aussi possible d’intenter une procédure auprès du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale. À noter que dans ce cas, il n’est pas nécessaire d’avoir invoqué au préalable une violation de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ICERD).

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